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PENDANT VOTRE VISITE

Prêt pour votre visite à M ? Tous les textes et documents audio que vous pouvez utiliser pendant votre visite peuvent également être consultés ici. Profitez de M et partagez votre expérience avec #mleuven.

Prenez votre Temps

Dans un musée, on pourrait avoir l’impression que le temps s’est arrêté, mais c’est totalement faux. Pour chaque oeuvre, le temps est un élément essentiel. Certaines oeuvres traitent du temps lui-même – par exemple le cadran-calendrier, ou encore les natures mortes qu’on appelle des vanités, où le temps est représenté de manière explicite ou symbolique. D’autres oeuvres racontent des histoires. Une histoire se déroule toujours dans un temps défini : le temps narratif. Tantôt le récit parle d’un voyage de plusieurs semaines, tantôt d’un moment éphémère. Depuis des siècles et encore aujourd’hui, les artistes inventent des stratégies visuelles pour représenter le temps dans leurs oeuvres.


Par ailleurs, une oeuvre dispose également d’un temps défini pour raconter l’histoire : c’est le temps narratif. Dans un film ou une vidéo, ce temps correspond à la durée de projection. Dans d’autres oeuvres, notamment dans le cas d’objets plutôt « statiques » tels que des sculptures ou des tableaux, il semble absent. Le temps de la narration dépend alors de la personne qui regarde l’oeuvre. Parfois, elle ne lui accorde qu’un simple regard, parfois, elle lui consacre plus de temps. Une étude a démontré que les visiteurs d’un musée restent en moyenne 28,63 secondes devant un tableau, y compris le temps du selfie.


Cette présentation t’invite à réfléchir à la notion du temps dans l’art, non seulement en découvrant comment les artistes ont abordé le temps dans leurs oeuvres, mais aussi en prenant conscience du temps que tu passes toi-même à les regarder. Nous t’invitons prendre conscience du temps qu’il te faut pour regarder, puis pour regarder vraiment, (plus) en détail.

 

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En mouvement

As-tu déjà eu l’occasion, avec tes camarades de classe, de suivre un saint pendant des heures avec une paire d’ailes accrochées dans ton dos ? Ou encore d’habiller Jésus, de le bercer pour l’endormir ou de le déposer dans sa tombe ? Ou encore d’offrir tes plus beaux bijoux à une hostie qui saigne ? Les temps changent... Jusqu’à une période pas si éloignée, dans la chrétienté occidentale, la religion jouait un rôle important dans le quotidien du quidam. Il est vrai qu’on vivait à une échelle géographique beaucoup plus restreinte. Les fêtes chrétiennes et les rituels rythmaient le calendrier et rassemblaient les communautés.


De nombreux objets de la collection riche et diversifiée du musée M Leuven ont une origine religieuse et proviennent d’églises et de chapelles des environs.


Cette exposition zoome sur des objets de l’art et du patrimoine religieux permettant – au propre comme au figuré – d’être en mouvement, du berceau à la tombe. Les trois grands thèmes de cette exposition – procession, pèlerinage et dévotion – regroupent des objets inhabituels qui étaient jadis utilisés dans les rituels religieux : statues costumées et en mouvement, garde-robe et accessoires des statues de saints, reliques et autres objets du culte, objets de procession et autels domestiques... Souvent fragiles, délicats, précieux et artisanaux, chacun de ces objets particuliers avait pour vocation de renforcer la foi des fidèles, de les émouvoir et de les mettre en mouvement sur le chemin de la spiritualité.


Le contexte et l’usage qui était fait des statues sont souvent perdus. C’est pourquoi l’audioguide et les légendes sont là pour vous donner des éléments de contexte de ces usages oubliés. Cette présentation commence en outre par des statues venant de traditions similaires, du monde entier et de notre époque.

 

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Les Dix

Tous les deux ans, M confie une de ses salles à des personnes « extérieures ». Les Dix, c’est le résultat d’une expérience avec le public dont l’objectif est de parvenir à créer une nouvelle présentation, en ligne et en s’amusant.

 

Dix « cobayes » ont donc été sélectionnés pour leur envie de participer à une expérience numérique dont le résultat se concrétiserait dans la réalité. But du jeu : sélectionner leurs dix œuvres préférées dans la collection M. Lors de six sessions en ligne, les cobayes ont pu découvrir trente œuvres, sous un angle chaque fois différent. Ces trente œuvres symbolisent la diversité de la collection en termes des disciplines, de thèmes et de périodes. Toutes ces œuvres ont cependant un point commun : une histoire passionnante.

 

Le fil rouge du jeu était l’expérience de l’art, avec attribution de points à chaque œuvre. Le fait d’envisager une œuvre selon une nouvelle perspective modifie-t-il les préférences ? Est-il possible de tomber amoureux d’une œuvre en mode virtuel ?

 

Les Dix est un projet articulé autour des œuvres choisies par les cobayes : M a concocté une présentation composée des dix œuvres avec lesquelles ils ressentaient la connexion personnelle la plus forte d’un bout à l’autre de l’expérience. La présentation de la collection ne se limite toutefois pas aux œuvres sélectionnées, puisque vous pourrez également découvrir les vingt autres œuvres qui n’ont pas été retenues. Et vous, qu’auriez-vous choisi ?

 

Merci à nos dix cobayes :

Kristien Clerinx, Lila Maria de Coninck, Lotte Cools, Karen Hoegaerts, Sarah Lauwers, Ilias Mohout, Casper Van Cleemput, Danny Van De Velde, Katrien Vanhamel, Ellen Vermaete

 

Ce projet a vu le jour grâce au soutien de Cera et M-LIFE et aux œuvres de la collection Cera.

 

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Musée en Mouvement

La collection du musée M comporte quelque 52.000 œuvres, allant de minuscules pièces de monnaie à de gigantesques sculptures et tableaux. Bien sûr, cette collection ne s’est pas créée du jour au lendemain. La petite collection de curiosités du 18e siècle abritée dans le grenier de l’hôtel de ville de Louvain s’est enrichie au cours des 19e et 20e siècles, jusqu’à devenir un véritable musée de la ville qui a fini par s’installer dans la maison Vander Kelen-Mertens – le cœur du musée actuel.

 

Aujourd’hui encore, la collection du M continue à s’agrandir par le biais d’achats, de dons ou de prêts à long terme. L’achat de nouvelles œuvres passe par le marché de l’art, via les galeries, les ventes aux enchères et exceptionnellement via des particuliers. De nombreuses œuvres sont également offertes au musée, tant par héritage que du vivant des collectionneurs. Le legs reçu par testament du conservateur Victor Demunter a largement contribué à définir l’identité de la collection M. D’autres œuvres sont confiées au musée pour de longues périodes, parfois pour une durée indéterminée : ce sont les prêts à long terme.

 

Le musée M n’achète cependant pas tout et n’importe quoi ! La collection est construite autour de quelques critères et lignes directrices qui constituent le profil de la collection et la particularité du musée M. Constitué d’œuvres de la fin du Moyen-Âge et du 19e siècle, le cœur de la collection d’art ancien met particulièrement l’accent sur la sculpture. Par ailleurs, le musée M possède également une collection spéciale d’art contemporain. Depuis 2012, le musée gère la collection de Cera, qui comprend principalement des artistes belges et reçoit régulièrement des œuvres en prêt de la Communauté flamande. Lors de l’acquisition d’une nouvelle œuvre, la principale question qui se pose est de savoir si elle complète de manière pertinente la collection existante. Pour les œuvres exposées dans cette salle, qui sont toutes des acquisitions récentes, la réponse était incontestablement : oui !

 

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Tout pour la forme

Comment impressionner des hôtes de prestige ? Pour y parvenir, voici quelques siècles, les collectionneurs les invitaient à découvrir leurs précieux joyaux dans de luxueux cabinets montés. Dans les salons du 19e siècle du bourgmestre Léopold Vander Kelen et son épouse Maria Mertens, vous découvrirez de véritables trésors de notre collection d’arts décoratifs. Nous vous invitons ici à porter un regard différent sur des objets usuels.

 

Concentrons-nous sur la fonction, les matériaux et la forme des objets. Comment utilise-t-on une coupe à moulin à vent ? À quoi sert un samovar ? Depuis quand mange-t-on avec une fourchette ? Quels messages peut-on faire passer avec un éventail ? Les matériaux, le fabricant et la date des objets ont été volontairement omis. Fiez-vous à vos propres yeux. Que pouvez-vous déduire d’une observation attentive de la forme ou du matériau d’un objet ? Aiguisez vos sens : regardez et découvrez un maximum de choses sur la forme, la fonction et les matériaux de l’objet.

 

Dans les salles, allez à la recherche de questions qui poussent à la réflexion et laissez libre cours à votre imagination.

 

Avec des œuvres de la Collection Cera.

 

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DOKA

Les objets d'art de M sont conservés en toute sécurité dans le dépôt sombre, où la température est constante. Ils ne sont sortis, exposés et mis en valeur qu'à l'occasion d'une exposition. Le photographe et commissaire invité Geert Goiris y voit un parallèle avec la chambre noire, le lieu magique où sont créées les photos analogiques. Dans cette présentation, il souhaite faire sortir de l'obscurité des œuvres soigneusement choisies dans la collection d'art contemporain de M.

 

Le développement d'une impression analogique en noir et blanc - où seule la lumière rouge est autorisée - prend environ sept minutes. On peut ensuite rallumer la lumière blanche pour visionner le tirage. L'une après l'autre, les salles de l'exposition sont baignées de lumière rouge, évoquant ainsi l'expérience de la chambre noire. Chaque salle du parcours est éclairée par des lumières rouges pendant sept minutes seulement. L'éclairage monochrome modifie notre perception des œuvres : les couleurs s'estompent et le contraste semble s'accentuer. Les ombres sont plus profondes, les détails se fondent dans l'image complète. Pendant la phase rouge, nous percevons les œuvres d'art d'une manière imprévisible. Cette intervention suggère par ailleurs que chaque image en contient une autre.

 

Le fil rouge de l'exposition est une phrase de la poétesse Mary Oliver :  « L'attention est le début de l'abandon. » Notre époque se caractérise par la vitesse, la distraction et le fait de regarder sans remarquer. Les espaces dans lesquels nous passons le plus clair de notre temps sont souvent définis par des habitudes et des routines bien ancrées. Les œuvres d'art de l'exposition perturbent - parfois subtilement, parfois explicitement - nos hypothèses et nos attentes. Elles nous invitent à jeter un regard sans tabou sur ce qui nous est familier et à nous concentrer sur le plaisir, mais aussi sur la nécessité de prêter attention. DOKA réunit 27 artistes dans cinq salles.

 

Les œuvres d'art appartiennent aux collections de Cera, de la Communauté flamande et de la ville de Louvain, sous la responsabilité de M.

Atelier Bouts

Christ Couronné d’Épines – Radiographie

La radiographie consiste à prendre un cliché aux rayons X. Tout le monde connaît les radios – votre propre dossier médical en contient probablement quelques-unes. Cette technique existe depuis plus d’un siècle. Les radiologues envoient les rayons X sur la partie du corps de la personne à examiner. De l’autre côté du corps est posée une plaque photosensible, c’est-à-dire une pellicule.


Les os étant relativement épais et denses, les rayons ont du mal à les traverser et n’atteignent donc que peu – voire pas du tout – la plaque photosensible. Une fois la plaque développée, les zones non exposées apparaissent claire. En revanche, les tissus plus mous et moins denses tels que les muscles laissent passer les rayons. Au développement, ils apparaissent mats et plus sombres. Donc, plus la quantité de rayons qui traverse le tissu est importante, plus la pellicule sera foncée.


C’est exactement ce même principe qu’on utilise pour radiographier les tableaux. La peinture au plomb ou contenant d’autres matériaux lourds retient les rayons et donnera des zones claires sur le cliché. Les matériaux plus légers tels que les pigments végétaux, qui laissent passer les rayons X, apparaîtront en gris ou en noir sur le film.


Les radiographies que vous voyez ici ont été faites à l’arrivée du « Christ Couronné d’Épines » à l’atelier de restauration. Les petits éléments blancs qu’on voit sur les bords sont les clous de fixation des planchettes, qui ne sont pas d’origine et ont été retirées lors de la restauration. Les deux taches blanches au centre correspondent aux cachets de cire au dos du tableau. Les rayons X traversent le panneau et nous permettent donc de voir ce qui se trouve derrière le panneau.


Bien que les couches de peinture soient très usées et minces, laissant donc passer une grande quantité de rayons, le cliché nous permet tout de même de constater une série de choses. Le peintre a commencé par poser de la feuille d’or qui empêche partiellement le passage des rayons, ce qui donne une zone plus claire sur la radiographie. À l’endroit prévu pour la tête du Christ, le peintre n’a pas appliqué de feuille d’or. C’est ce qu’on appelle la technique de la réserve, qui était très pratiquée au 15e siècle.


Pour la tête elle-même, il a appliqué une sous-couche au blanc de plomb, qui bloque assez bien les rayons X, de sorte que le cliché est plus clair dans cette zone. La chevelure a été réalisée en fines couches de peinture. Comme elles laissent passer les rayons, cette zone du tableau est plus sombre. Les petites taches blanches sur la couronne d’épines correspondent à de petites touches au blanc de plomb pour marquer la lumière.

 

Mater Dolorosa – Dendrochronologie

Les petits tableaux tels que cette « Mater Dolorosa » et ce « Christ Couronné d’Épines » étaient très populaires aux 15e et 16e siècles. Les croyants les accrochaient dans leur maison et les utilisaient pour la dévotion privée. Dieric Bouts en a peint beaucoup, de même que son fils Albrecht. Dès lors, une question se pose : qui est l’auteur de ces tableaux, Dieric ou Albrecht ?


Pour y répondre, nous pouvons recourir à une discipline scientifique de datation du bois appelée la dendrochronologie. Elle consiste à étudier les cernes des arbres, qui, d’une année à l’autre, varient en épaisseur. Lors des étés frais et secs, un arbre ne grandit pas beaucoup et ses cernes restent donc minces. En revanche, lors des étés chauds et humides, les cernes sont plus larges. Lorsqu’on transpose en graphique la succession des cernes, on obtient ce que les scientifiques appellent une séquence dendrochronologique où les pics correspondent à des années de forte croissance, et les creux, à des années de faible croissance. Les séquences dendrochronologiques des arbres d’une même région et d’une même période se ressemblent.


Les Bouts père et fils peignaient sur des panneaux en chêne provenant des environs de la Mer Baltique. La séquence dendrochronologique de ces panneaux peut être comparée aux courbes de référence de cette région, ce qui permet de déterminer à quelle période a poussé le chêne dont provient le panneau et de dater le cerne annuel le plus récent.


Sur la table, vous pouvez voir une courbe de référence de chêne provenant de la Baltique et la séquence dendrochronologique de la « Mater Dolorosa ».


Les résultats en disent long : le cerne le plus récent date de 1481. Dieric Bouts étant décédé en 1475, il est impossible qu’il soit l’auteur de la « Mater Dolorosa ». Le tableau provient dès lors de l’atelier de son fils Albrecht.


Pour le « Christ Couronné d’Épines », les résultats de l’étude dendrochronologique sont moins évidents. Ils permettent uniquement de dire que l’arbre a été abattu après 1417.


Prenez un instant pour observer le tronçon de bois exposé sur la table. Vous y découvrirez les différents types de bois qui composent un arbre ainsi que le rôle de l’aubier, bois tendre, dans la dendrochronologie.

 

Triptyque de la Descente de Croix – Macrophotographie

Le « Triptyque de la Descente de Croix » est l’une des œuvres majeures réalisées par Dieric Bouts.


L’étude de ce genre de tableau commence toujours à l’œil nu ou à l’aide d’une loupe. Pour cela, il faut bien entendu disposer d’un accès total à l’œuvre. Dans la pratique, cet accès est réservé à un nombre très limité de personnes. Heureusement, il y a la macrophotographie, qui permet de réaliser des photos très détaillées d’une œuvre à l’aide d’un appareil atteignant cent mégapixels. Les clichés sont ensuite assemblés pour composer une mosaïque en très haute résolution dans laquelle on peut zoomer pour examiner les moindres détails.


L’examen à l’œil nu et la macrophotographie nous ont beaucoup appris sur le « Triptyque de la Descente de Croix ». Les informations collectées grâce à la macrophotographie viendront à point lors de la restauration qui sera confiée à l’Institut royal du Patrimoine artistique dès la fin de cette exposition.


C’est surtout le panneau central qui est en mauvais état. Il comporte de nombreux manques – des endroits où la peinture d’origine a disparu. Les restaurateurs précédents ont remédié à ces lacunes, mais il s’avère qu’ils ont également débordé sur la peinture d’origine. Or, la peinture qu’ils ont utilisée vieillit différemment de celle de Bouts. On peut par exemple le constater au niveau de l’arcade en pierre du panneau central : les taches brunes sont des retouches qui avaient initialement la même couleur que la peinture d’origine.


Toutes les retouches vont devoir être retirées pour remettre à nu la peinture utilisée par Bouts. Les lacunes vont être repeintes, mais cette fois avec de la peinture réversible,  et donc facile à retirer.


Les panneaux latéraux sont en meilleur état que le panneau central, mais doivent eux aussi être restaurés, principalement pour éliminer les couches de vernis  qui n’étaient pas présentes à l’origine et qui ont jauni. Elles sont devenues tellement sales au fil du temps que les couleurs utilisées par Bouts sont devenues ternes et brunâtres. La dernière étape de la restauration consiste à appliquer une nouvelle couche de vernis  qui protègera le tableau de la saleté et sera aussi facile à retirer. Grâce à ce nouveau vernis, les couleurs d’origine retrouveront tout leur éclat. Pour avoir une idée de la différence que cela représente, il suffit de comparer cette œuvre avec le tableau du « Martyre de saint Érasme » récemment restauré, lui aussi exposé dans cette salle.

 

Martyre de saint Érasme – Macro-XRF

Le « Martyre de saint Érasme » a été restauré en 2019. Aujourd’hui, il est devenu quasiment impensable de restaurer une œuvre aussi précieuse sans une étude préalable approfondie. Pour cela, les scientifiques ont déployé tout un arsenal de techniques, parmi lesquelles une méthode d’imagerie relativement neuve : la macroanalyse par fluorescence de rayons X ou macro X-ray fluorescence scanning, en abrégé MA-XRF.


La macro-XRF consiste à projeter de puissants rayons X sur l’objet à étudier. Partout dans l’univers, les objets sont composés d’éléments chimiques : fer, mercure, potassium, titane ou autres grands classiques du tableau de Mendeleïev. En réaction aux rayons X, ces éléments vont eux-mêmes émettre des rayons X dont la longueur d’onde est spécifique à chaque élément. En captant et mesurant ce rayonnement, on peut donc déterminer les éléments présents dans l’objet, ainsi que leur emplacement.


La macro-XRF fournit pour chaque élément une carte de répartition, c’est-à-dire une image en noir et blanc indiquant la répartition de cet élément dans le tableau. Plus un point est sombre, moins l’élément est présent, et à l’inverse, plus un point est clair, plus la substance est présente. Sur la table, un écran vous permet de voir quelques-unes de ces cartes de répartition.


La macro-XRF peut être utilisée pour dater des tableaux et pour en savoir plus sur les techniques et matériaux utilisés par le peintre. Elle peut également servir à révéler des couches cachées ou des modifications, par exemple lorsqu’un artiste a repeint au-dessus d’un élément, ou a modifié la composition.


Grâce à la macro-XRF, il est en outre possible d’identifier les couches de peinture ajoutées a posteriori, le plus souvent des restaurations. Des éléments tels que le titane, le zinc, le baryum et le chrome n’entraient pas dans la composition des pigments à l’époque de Dieric Bouts. Lorsqu’on en trouve, c’est qu’on est probablement en présence d’une retouche effectuée par un restaurateur du 19e ou 20e siècle.

 

Martyre de saint Hippolyte – Réflectographie infrarouge

Le « Martyre de saint Hippolyte » est un des derniers tableaux de Dieric Bouts, qui décède avant de l’avoir achevé. Pour des raisons stylistiques, on soupçonne que le panneau de gauche représentant le portrait des donateurs est de la main d’Hugo van der Goes. Cette suspicion est par ailleurs étayée par l’étude par réflectographie infrarouge ou RIR. Mais qu’est-ce précisément la RIR, et que permet-elle de découvrir ?


Les ondes électriques et magnétiques, qu’on appelle également rayonnement électromagnétique, sont partout autour de nous. Nous connaissons bien une partie de ces ondes puisque la plage comprise entre 380 et 750 nanomètres est ce qu’on perçoit comme lumière visible. Les longueurs d’ondes entre 750 et 300.000 nanomètres correspondent aux infrarouges. Ces infrarouges sont invisibles à l’œil nu, mais des caméras spéciales permettent de les transposer dans le spectre visible.


La réflectographie infrarouge ou RIR utilise une plage très précise d’ondes infrarouges allant de 950 à environ 1.700 nanomètres, qui traversent la couche de peinture. Pour une caméra à infrarouges, la couche de peinture est donc tout aussi transparente que l’est un vernis pour l’œil humain.


Le dessin préparatoire se trouve sous les couches de peinture. Cette première ébauche de la composition est généralement réalisée soit au fusain, soit à la craie noire ou à l'encre. Ces matériaux contiennent du carbone qui absorbe les rayons infrarouges, tandis que la couche de préparation blanche les réfléchit. Grâce à ces propriétés, les images réalisées avec la RIR permettent de rendre visible le dessin sous-jacent.


Celui-ci peut nous révéler beaucoup de choses. Souvent, il a été réalisé par le maître en personne. Parfois, pendant la phase de création, celui-ci apportait quelques changements – pour améliorer sa composition. Le dessin préparatoire permet d’observer la liberté de création du peintre, avant même qu’il ne se mette à peindre.


Dans le cas du « Martyre de saint Hippolyte », le dessin préparatoire est resté dissimulé pendant 500 ans sous les couches de peinture. La RIR nous l’a aujourd’hui révélé, et nous permet d’en savoir plus sur le processus de création du tableau. L’écran posé sur la table vous propose de voir quelques-unes des découvertes importantes réalisées grâce à l’examen infrarouge.

 

La Cène – Stratigraphie

Voici trois échantillons de peinture du panneau central de la « Cène ». Ils permettent de bien comprendre la technique des glacis qu’utilisaient Bouts et les autres Primitifs flamands.


La technique du glacis consiste à superposer plusieurs couches de peinture semi-transparentes, qui contiennent beaucoup d’huile et peu de pigments. Chaque couche a une composition légèrement différente. Comme la lumière pénètre dans ces couches, cela permet de créer des couleurs vives, des ombres profondes et des dégradés fluides – autant d’éléments caractéristiques des Primitifs flamands.


Les collaborateurs de l’atelier Bouts fabriquaient eux-mêmes les peintures avec de l’huile et des pigments. Chaque couche devait sécher pendant plusieurs jours. L’artiste devait donc mûrement réfléchir le résultat final escompté avant de poser le moindre coup de pinceau.


L’étude de ces échantillons de peinture nous permet de comprendre comment Bouts posait ses couches de peinture successives et de quoi elles étaient composées. De minuscules fragments de peinture sont retirés au scalpel du tableau. Ils sont ensuite coulés dans de la résine afin d’obtenir des coupes transversales permettant d’identifier les différentes couches à l’aide d’un microscope.


Lorsqu’on prélève des échantillons de peinture – si infimes soient-ils –, on retire une partie de la matière originale du tableau. Cette pratique n’est donc justifiée que lorsque les autres techniques d’investigation ne suffisent pas. Les échantillons sont souvent prélevés sur le bord du tableau ou dans des lacunes de la couche de peinture. En outre, on conserve toujours ces coupes afin qu’ils restent disponibles pour des études ultérieures et de nouvelles méthodes d’investigation.


Les échantillons de peinture du manteau bleu et vert, par exemple, ont été prélevés voici déjà plus de 70 ans. À l’époque, ils avaient fait l’objet d’une étude au microscope qui avait abouti à des conclusions prudentes quant aux matériaux utilisés – comme en atteste le manuscrit exposé sur la table. Aujourd’hui, les chimistes parviennent à identifier avec une grande certitude les différents pigments et les liants.


Deux des trois échantillons présentent une épaisse sous-couche de blanc de plomb. Celle-ci date du 19e siècle, époque à laquelle un restaurateur a effectué une procédure très invasive appelée « transposition » qui consiste à retirer la couche de peinture du tableau d’origine pour la transférer sur un nouveau panneau.


Pour cela, le restaurateur a totalement poncé le bois du panneau d’origine, par l’arrière, jusqu’aux couches de peinture. Il y a ensuite appliqué une épaisse couche de blanc de plomb pour égaliser la surface, avant de coller le tout sur une gaze collée à son tour sur un nouveau panneau.

Alias

À l’heure de l’intelligence artificielle, des « fake news » ou encore des vidéos « deepfake », nous sommes aujourd’hui plus que jamais confrontés à la nécessité de différencier de manière critique la réalité de la fiction. Plutôt que de distinguer nettement l’illusion de la réalité, certains artistes permettent aux deux de coexister en même temps grâce à leurs alter egos fictifs. Ils créent des personnalités artistiques avec leurs propres biographies et présentent leurs fictions comme des faits.


« Alias » rassemble des oeuvres d’artistes agissant sous un ou plusieurs alter egos. En adoptant une autre identité, les artistes s’affranchissent des questions de genre ou de culture, des règles du monde de l’art et du système capitaliste qui transforme les noms en marques. Derrière tous les artistes fictifs, il existe un contexte bien défini. Celui-ci permet de déterminer comment leur fiction est utilisée et pourquoi. Quelles stratégies se cachent derrière les artistes fictifs ? Se développent-elles au niveau de l’artiste lui-même ? Touchent-elles le monde de l’art ou naissent-elles en réaction à la société ?


Attention : certaines oeuvres de cette exposition peuvent ne pas convenir à tous les âges.

 

Commissaire : Valerie Verhack

 

Imaginer des noms

Les artistes qui agissent sous un alias fictif se mesurent à une page blanche : un nouveau départ où tout est encore ouvert, même le choix d’un nom. Ce choix n’est jamais arbitraire dans le cas des artistes fictifs. Un nouveau nom implique d’échapper à toute forme de prédestination, à l’instar d’une identité historique ou de traits psychologiquement transmis. Mais même le choix d’un nom générique existant (John Doe Co., John Dogg) ou d’un nom politique (Janez Janša Janez Janša Janez Janša) peut remettre en question le système habituel de dénomination. Quelle est la valeur d’une signature (Ernest T.) ou d’un cachet (Herman Smit) en tant que signe visuel d’authenticité, lorsqu’ils sont conçus ou placés par des artistes fictifs ? Cette salle présente des oeuvres d’artistes fictifs dont les noms jouent un rôle majeur dans notre expérience ou notre lecture de leur travail.


Il est à noter que la production d’arts visuels occidentale a eu une tradition moins forte d’utilisation d’autres personnages, d’hétéronymes ou de pseudonymes, contrairement, par exemple, à la littérature. À partir du début de la Renaissance, la production d’arts visuels occidentale est passée d’un système greffé sur des coopératives de guildes à la créativité individuelle. L’introduction de la signature de l’artiste coïncide avec ce changement, et dans ce contexte, peu d’artistes se sont écartés de leur nom d’origine. En effet, depuis lors, les artistes sont censés créer des oeuvres d’art sous leur propre nom et leur propre signature, simplement en raison de la valeur symbolique élevée et du capital culturel qu’elles impliquent.

 

Le regard de la fiction

De même que les noms des artistes fictifs ne sont pas des étiquettes arbitraires, les visages qu’ils arborent ne le sont généralement pas non plus. Mais comment réaliser des (auto)portraits d’artistes qui, en réalité, n’existent pas ?


L’(auto)portrait est synonyme de conscience et en outre intrinsèquement lié à l’identité : il respire le « j’existe/ils existent ». La complexité de ce qu’implique exactement ce soi, les artistes la jouent littéralement et métaphoriquement en utilisant des signifiants liés au genre, à l’origine ou à la culture. Un portrait peut être une critique féministe de l’image limitée de la société sur ce que signifie être une femme (Roberta Breitmore). Il peut aussi être une critique de la « production » au sein du système capitaliste (Claire Fontaine). Un portrait de groupe peut permettre de visualiser les domaines du monde de l’art dans lesquels quiconque se profile (Brian O’Doherty). Et il peut aussi être un moyen pour l’artiste lui-même de disparaître en tant qu’auteur au profit du réseau de collectionneurs qui l’entoure (Philippe Thomas).


Comme dans ce qu’on appelle la réalité, il n’y a pas de vérité univoque. Et en ce sens, les (auto)portraits d’artistes fictifs présentent une parenté avec la critique institutionnelle : tous deux visent à exposer une réalité derrière les représentations qui la dissimulent.

 

La collection Yoon-Ja Choi & Paul Devautour

Art Keller, Richard Allibert et Gladys Clover... Ce ne sont là que quelques-uns des nombreux artistes fictifs collectionnés par les artistes français Yoon-Ja Choi et Paul Devautour. Jusqu’en 1985, tous deux ont créé des oeuvres d’art sous leur propre nom, avant d’embrasser la complexité et la superposition de divers alter egos fictifs et rôles dans le monde de l’art.


Une partie de la collection de Yoon-Ja Choi & Paul Devautour est exposée dans cette salle. Martin Tupper, qui agit à titre d’artiste, de critique tout en étant un alias fictif de Yoon-Ja Choi et Paul Devautour, a conçu la disposition de la collection qui rappelle à la fois une salle d’exposition, un stand de foire d’art et le cadre familial d’une collection privée.


« Show Room de la collection Yoon-Ja Choi & Paul Devautour » (1992) par Martin Tupper est une anthologie de plusieurs mouvements et tendances artistiques. L’artiste Richard Allibert, par exemple, travaille exclusivement avec des readymades : de simples objets ou ustensiles sans aucune altération. Ensemble, Buchal & Clavel remettent en question le principe du duo d’artistes. Et de son côté, l’artiste J. Duplo travaille exclusivement avec des briques Lego.

 

Réécrire le passé

La mise au point d’une pratique artistique fictive à l’heure d’aujourd’hui peut aussi avoir un impact sur le passé. En créant des artistes présumés historiques mais entièrement fictifs, avec leur propre contexte et leur propre narration, on corrige une partie de l’histoire. Et bien que les pratiques de Justine Frank, Darko Maver ou Florence Hasard soient imaginaires en tant que spectateurs, nous aimerions croire à ces récits présentés comme des faits avérés.


Leur histoire s’appuie sur les preuves les plus diverses : photos et films d’époque, coupures de presse, documentaires avec interviews des acteurs... La création de ces preuves, mais aussi la manière dont elles sont exposées et communiquées au public renforcent la véracité de ces pratiques qui réécrivent le passé.


Elles démontrent que l’historiographie n’est pas terminée, mais continue d’évoluer. La création d’une nouvelle version de ce qu’aurait pu être le passé, souvent du point de vue d’une position sociale méconnue, met à mal l’effet de la distance historique : comme si l’histoire était commodément quelque chose de lointain et d’oublié qui ne nous concernait pas.

 

Défier le monde artistique

L’art fictif fonctionne souvent dans un système emprunté à la réalité : il peut s’agir de l’histoire, mais aussi du monde de l’art contemporain.


Plusieurs artistes fictifs s’attaquent aux règles (non) écrites du soi-disant système de l’art en se faisant passer pour des acteurs de ce monde artistique. Leo Josefstein et Hubert Van Es prétendent ainsi être des artistes alors qu’ils occupent en réalité une position d’autorité très différente au sein de la scène artistique belge. De son côté, une artiste fictive comme Emily Feather exprime un désir d’anonymat et de renoncement à son statut d’auteur individuel.


Le groupe anonyme d’artistes Bernadette Corporation adopte une identité quasi corporative pour critiquer une culture globale qui construit l’identité à travers la consommation et le branding. Bernadette Corporation publie en 2005 le roman collectif « Reena Spaulings », qui constituera par la suite la base de nouvelles initiatives d’artistes telles que Henry Codax ou le projet collectif Reena Spaulings, qui est à la fois un personnage d’artiste et une galerie d’art basée à New York.

 

Le besoin d'un alias

L’art fictif peut aborder des questions sociales urgentes telles que la culture, l’identité, le genre, la politique et la censure. La question est de savoir si le choix de l’art fictif est en partie motivé par la volonté de transmettre un message potentiellement controversé.


Les oeuvres présentées dans cette salle témoignent de l’engagement et de la pertinence de l’art fictif dans le débat social. L’art fictif offre-t-il une position sûre pour créer des oeuvres politiquement inspirées (Oksana Pasaiko) ou explicites (NV Panneel) ? L’art fictif implique-t-il une façon de disparaître pour tenter d’être libre, sans être condamné ou discriminé (Puppies Puppies (Jade Guanaro Kuriki-Olivo)) ? Sommes-nous suffisamment conscients que l’histoire de l’art occidentale est souvent projetée inutilement comme référence sur des oeuvres qui ne s’inscrivent même pas dans cette tradition (Suha Traboulsi) ? Et quelle forme peut-elle prendre une production artistique fictive créée dans le contexte d’un régime totalitaire (Charles Rosenthal) ?

Sarah Smolders. A Space Begins, With Speaking

L'œuvre de Sarah Smolders émerge de son dialogue avec un espace donné et des traits architecturaux de ce dernier, qu'elle observe et annote soigneusement à l'aide d'interventions et d'éléments picturaux. Ces changements et ajouts à peine perceptibles au premier regard invitent le spectateur à ralentir pour regarder autour de lui, et à découvrir et vivre l'endroit en question de manière imprévisible.

 

La simplicité apparente de cette exposition recèle un processus intense de réflexion et de création dans et avec les espaces de M. Le retrait de la construction temporaire de l'exposition rétablit les connexions spatiales et les transparences, tandis que des modèles spécifiques et des motifs matériels introduisent l'histoire même du bâtiment du musée.

 

Des appoints et des interventions faits avec précision invitent à scruter les recoins, les bords, les plis, les parties supérieures et inférieures de cette exposition. Ces figures spatiales incitent à évaluer les imperfections de cet espace d'une autre façon distincte.

 

Au sein de M, Sarah Smolders allie pour la première fois une nouvelle intervention spatiale avec des restes d'expositions antérieures spécifiques. Elle utilise ces résidus sous la forme d'un alphabet spatial personnalisé afin de lire et de mettre à l'échelle les espaces de M. Cet alphabet comprend à la fois des références à des éléments architecturaux tels que des portes, des fenêtres ou des sols, et des évocations de l'espace de la parole, avec la ponctuation et les signes qui la composent. « Un Signe » (2022) dans la salle 2. B est une impression en deux parties d'une fenêtre et pareillement une référence espiègle à une parenthèse et à un point, tandis que "Concrete, Concrete" (2018) dans la salle 2. A est à la fois un sol à la mesure de l'espace de M et une peinture faite à la main d'un sol carrelé d'un autre endroit.

 

Commissaire : Eva Wittocx

Zaalzicht 'Open M - Time and Again', M Leuven

Zaalzicht 'Open M - Time and Again', M Leuven, 2022, foto: © Lien Wevers voor M Leuven

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