En visite chez un M-cène : la collection de Geneviève Smets et Victor Spaas

Portret van M-cenas Victor Spaas

© Eva Beeusaert voor M Leuven

EN VISITE CHEZ UN M-CÈNE

La collection de Geneviève Smets et Victor Spaas

« IJzerenberg » est un nom connu dans le monde de l'art, tant à Louvain que loin de la ville. En effet, tous les trois ans le grand jardin de Geneviève Smets et Victor Spaas devenait un parc de sculptures où on pouvait admirer – et acquérir – des œuvres d'artistes belges et étrangers. Mais l'édition de 2022 a été la dernière, nous apprend Victor Spaas (85 ans). « Ma femme est décédée en novembre. Elle était l'âme de l'initiative, la poursuivre sans elle est impensable. »

Portret van M-cenas Victor Spaas

© Eva Beeusaert voor M Leuven

Geneviève et Victor se sont rencontrés au début des années 1960. L'amour de l'art était dès le début un élément essentiel de leur histoire. « Geneviève était biochimiste. Elle a commencé sa carrière dans l'enseignement, puis elle a toujours travaillé en laboratoire. Avec son tout premier salaire déjà, elle a acheté une œuvre d'art. Ce tableau est toujours ici, sa valeur affective est grande pour moi. Son auteur est Jacques Beckers, un de mes copains de rhéto. »


« C'est en 1985 que nous avons acheté cette maison, au sommet de l'IJzerenberg à Herent. En 1988 nous avons organisé la première exposition dans le jardin, composée d'œuvres du même Jacques Beckers. Nous pensions que serait un événement sans suite, nous n'avions pas de grand objectif. Mais bien des années plus tard, alors que nous étions chez mon frère à Hamont, nous avons visité une exposition organisée par le Rotary Club dans le jardin du notaire local. Et là, nous avons eu une révélation : “Nous pourrions faire la même chose chez nous.” J'étais membre du club de service Lions et les revenus d'une telle exposition nous permettraient de soutenir l'une de nos œuvres. La première édition a eu lieu en 2003. Nous avons passé au moins un an et demi à prospecter, car nous voulions exposer des œuvres de qualité. Et nous avons réussi, puisque nous avons pu présenter Rik Poot, Paul van Gysegem, Frans Walravens… C'était aussi la toute première exposition de Patrick Van Craenenbroeck. Il avait tout vendu et pleurait en allant livrer ses pièces, car il avait énormément de mal à lâcher son travail. »

Objectfoto van een sculptuur op de Ijzerenberg

© Eva Beeusaert voor M Leuven

Schilderij van Jacques Beckers

Schilderij van Jacques Beckers © Eva Beeusaert voor M Leuven

Objectfoto van een sculptuur op de Ijzerenberg

© Eva Beeusaert voor M Leuven

Ijzerenberg

© Eva Beeusaert voor M Leuven

Objectfoto van een sculptuur op de Ijzerenberg

© Eva Beeusaert voor M Leuven

En catimini

« Comme cette première édition avait attiré tant de monde, nous avions l'intention de recommencer en 2006. Mais cette année-là il a plu sans arrêt, le jardin était couvert de gadoue. Nous avons donc repris en 2009, et ainsi s'est installé en catimini un certain rythme ; à partir de là nous avons organisé l'événement tous les trois ans. Mais maintenant c'est fini, définitivement, car ma femme n'est plus là. Elle avait beaucoup de contacts avec les artistes, elle les accompagnait quand ils venaient installer leurs œuvres… »


« Je suis ingénieur civil, j'ai conçu des machines tout au long de ma carrière. D'abord pour l'usine de bougies familiale – avant mon intervention on y fabriquait tout à la main. Ensuite j'ai travaillé aux Usines Remy à Wijgmaal, une entreprise immense : je circulais à vélo dans le complexe. Quand Remy a été divisé et vendu, j'ai fondé ma propre entreprise. »


« Nous étions déjà des Amis du Musée avant que M n'existe. Soutenir les arts était tout naturel pour nous. Nous nous engagions aussi à fond pour le Concours Reine Élisabeth. Des candidats logeaient chez nous lors de chaque édition ; une année, nous avons même hébergé le premier lauréat. Quand M a lancé sa formule de “M-cénat”, nous y avons immédiatement souscrit – c'était l'évidence même. M, de son côté, nous a épaulés pour l'organisation de quelques-unes de nos expositions. »

Œil de fer

« On ne peut pas vraiment nous appeler des collectionneurs – nous achetions ce qui nous plaisait, c'est tout. Nous n'avons jamais dit : “Spécialisons-nous dans tel ou tel courant”, nous ne nous sommes jamais demandé : “Est-ce que cette œuvre serait un bon investissement ?” Jamais rien n'est entré dans la maison que nous ne voulions pas tous les deux. Avant d'organiser nos propres expositions, nous achetions surtout des pièces à des galeries parisiennes et à la Galerie Embryo à Louvain. »


« Il n'y a pas eu de vrai système dans nos achats – au début nous étions plutôt orientés vers l'art figuratif, plus tard l'art abstrait s'est mis à dominer. On grandit en ce sens. »


« Je pense qu'il y a près de 200 œuvres ici, à la maison. Je ne peux pas en emporter beaucoup quand je déménagerai, donc j'y réfléchis depuis quelque temps : que prendre, que laisser ? Il y a une œuvre dont je suis tout à fait sûr, un tableau-collage de l'artiste espagnol José Antonio Diazdel. Il s'y passe toutes sortes de choses : l'artiste s'est servi de bouts de tissu et de papier, l'œil est en ferronnerie… Ça me plaît. »

Schilderij van Diazdel

Schilderij van José Antonio Diazdel © Eva Beeusaert voor M Leuven

Noir et blanc

« La plus belle peinture de notre collection est d'un artiste que vous ne connaîtrez pas. Il s'appelle Paul Hardt – il écrit ce nom avec un d surmonté d'un trait, pour qu'on puisse le lire à la fois comme “hard” – dur – et “hart" – cœur. Il était le fils d'Alfons Smets, un ancien bourgmestre de Louvain. Paul est parti vivre en France, où il peignait tout seul dans son atelier, un peu comme Van Gogh. Il est mort jeune et sa mère, la tante de ma femme, a récupéré ses œuvres. C'est ainsi que le tableau a atterri chez nous. Elle nous a dit : “Je ne connais qu'un endroit où il sera pleinement mis en valeur, c'est chez vous.” C'est le plus grand tableau que nous possédions, il mesure deux mètres sur deux. Au fil du temps, nous nous y sommes attachés toujours plus fort. Je trouve qu'on peut le contempler à l'infini. »


« Nous avons aussi une œuvre captivante de Claude Panier. La plupart du temps, lorsque nous recevons des amateurs d'art contemporain, c'est l'œuvre qu'ils préfèrent. Panier l'a réalisée à l'occasion de la manifestation “Utopia” à Louvain, pour l'exposition que nous avions montée au tribunal. Nous l'avons achetée et depuis lors, nous nous sommes mis à l'apprécier de plus en plus. Elle est tellement mystérieuse, elle comporte tant de niveaux –littéralement aussi, puisqu'elle est en cire. »


« Ce que j'emporterai encore ? Notre tableau de l'Espagnol Kako, une de mes œuvres préférées. Et le jeu d'échecs de Willy Peeters : toutes les pièces blanches sont des figures de femmes, toutes les noires des hommes. Chaque pièce est une œuvre d'art en soi, vraiment formidable. Mais je n'aime pas m'en servir pour jouer, car il faut scruter trop attentivement les pièces pour les distinguer entre elles. »

Thuis bij M-cenas Victor Spaas

© Eva Beeusaert voor M Leuven