Le commissaire Peter Carpreau et le dessinateur Lectrr à propos de « DIERIC BOUTS. Créateur d’images »

Le commissaire Peter Carpreau et le dessinateur Lectrr à propos de « DIERIC BOUTS. Créateur d’images »

Curator Peter Carpreau en cartoonist Lectrr over ‘DIERIC BOUTS. Beeldenmaker’

Curator Peter Carpreau en cartoonist Lectrr, foto: © Rebecca Fertinel voor M Leuven

C’est la grande exposition d’automne à M : « Dieric Bouts. Créateur d’images ». À ne pas manquer – pour plusieurs raisons.

Curator Peter Carpreau en cartoonist Lectrr over ‘DIERIC BOUTS. Beeldenmaker’

Curator Peter Carpreau en cartoonist Lectrr, foto: © Rebecca Fertinel voor M Leuven

L’exposition est une occasion unique de découvrir Bouts de près. Jamais auparavant autant d’œuvres du maître du XVe siècle et de ses disciples n’ont été réunies dans « sa » ville. Elles proviennent du monde entier : le Louvre à Paris, le Prado à Madrid, la National Gallery à Londres, des musées et des églises de Florence, Houston, Grenade, San Francisco… Deux de ses chefs-d’œuvre, La Cène et Le Martyre de saint Érasme, ont même temporairement quitté Saint-Pierre, où ils se trouvaient depuis des siècles.

 

Mais il y a une autre bonne raison de venir visiter l’exposition : Bouts y est présenté comme un créateur d’images, comme quelqu’un qui jouait avec les conventions visuelles et utilisait des astuces pour séduire, et parfois même tromper, son public. Tout comme les créateur·rices d’images contemporaines : photographes sportifs, réalisateur·rices de films, développeur·ses de jeux, graphistes… C’est pourquoi M présente leur travail à côté de celui du maître. Outre des représentations du Christ supplicié et de la Vierge à l’Enfant, vous verrez des dessins originaux des films Star Wars, des portraits d’icônes modernes comme Beyoncé et Lady Gaga, des extraits de films, des affiches publicitaires et bien davantage encore.

 

Anciens et nouveaux maîtres

Cette approche surprenante est l’œuvre de Peter Carpreau, longtemps responsable du département d’art ancien de M. En sa qualité de commissaire d’expositions, il a participé à la mise en place de l’exposition Bouts et y a associé des sculpteurs contemporains. Comme Steven Degryse, plus connu sous le nom de Lectrr. Pour l’exposition, il a réalisé un montage de dessins autour du thème « Bouts en tant qu’enseignant ». La couverture de ce magazine en donne déjà un avant-goût.

 

Lectrr : « Lorsque M m’a posé la question, j’étais surtout intrigué. Et un peu intimidé aussi. Je suis fasciné par les anciens maîtres, mais je me suis aussi demandé si je voulais rivaliser avec eux. En suis-je capable ? »

 

« J’ai alors reformulé la question : que m’ont appris ces peintres ? D’autres peuvent-ils à leur tour apprendre quelque chose de moi ? À l’époque des Bouts, on était apprenti auprès d’un maître. Moi-même, j’ai obtenu mon diplôme de “maître en arts plastiques”, avec la dernière promotion de cette formation d’ailleurs. Aujourd’hui, les jeunes apprennent les ficelles du métier en regardant des vidéos sur YouTube. Mais le principe est resté le même : le métier se transmet de génération en génération. C’est pourquoi Bouts reste actuel, même pour les créateurs contemporains ».

Aux prises avec Bouts

Peter Carpreau : « L’idée d’une exposition autour de Bouts a germé il y a dix ans. Il existait déjà un catalogue qui décrivait l’ensemble de son œuvre d’un point de vue scientifique, mais j’avais encore des questions. Pourquoi est-ce que je regarde Bouts ? Peut-on encore s’imprégner de son œuvre après tant de siècles ? J’ai abordé Bouts comme quelqu’un que je ne comprends pas, avec qui je suis aux prises ».

 

« Avec le romantisme est née l’image de l’artiste en génie tourmenté. Cela remonte aux biographies d’artistes du XVIe siècle de Vasari, qui se référait lui-même à la vie des saints médiévaux. Mais c’est un énorme appauvrissement. Les artistes ont toujours été des professionnels qui déploient sciemment une vaste panoplie d’astuces et de techniques pour diriger le regard du spectateur. Pour manipuler le spectateur, pourrait-on dire ».

 

« Quand on considère Bouts en tant que créateur d’images et non en tant qu’artiste, il devient beaucoup plus intéressant. Parce qu’on le regarde plus librement, sans le poids de toutes ses connaissances. »

 

C’est ainsi que nous avons eu l’idée de confronter son travail à celui de créateur·rices d’images contemporain·es : photographes, réalisateur·rices, développeur·ses de jeux, dessinateur·rices – comme Lectrr… J’ai dû me battre pour cela, mais je suis très heureux que cela ait abouti. Les visiteurs devront quelque peu adapter leurs attentes. Oui, dans un musée, on voit de l’art – mais qu’est-ce que c’est au juste, l’art ?

Curator Peter Carpreau en cartoonist Lectrr over ‘DIERIC BOUTS. Beeldenmaker’

Curator Peter Carpreau en cartoonist Lectrr, foto: © Rebecca Fertinel voor M Leuven

Louvain en l’an zéro

« Ce qui caractérise Bouts, ce sont les paysages fantastiques et très élaborés. Je me suis demandé : où ai-je déjà vu cela ? Jusqu’à ce que je m’en rende compte : dans la science-fiction ! Les créateurs de science-fiction et de fantasy créent des mondes entièrement nouveaux dans lesquels chaque détail doit être correct. Ce n’est qu’alors que le spectateur est prêt à entrer dans leur monde. D’où le choix de présenter les dessins originaux des films Star Wars à M. »

 

Lectrr : « Dans ces films, des sabres laser sont brandis à tout bout de champ. Le spectateur sait qu’ils n’existent pas en réalité, mais les accepte parce que tous les autres détails de l’univers Star Wars sont à l’avenant : toutes ces différentes planètes avec leurs propres cultures et créatures, les machines parlantes, les paysages qui ne sont manifestement pas de ce monde… »

 

« Bouts procède de la même manière. À l’arrière-plan de La Cène, il a peint l’hôtel de ville de Louvain. Bien sûr que Jésus et ses apôtres n’ont jamais dîné à Louvain, ne serait-ce que parce qu’en matière de restaurants, l’offre y était assez limitée autour de l’année zéro (rires). Mais cette combinaison est malgré tout réaliste. »

 

Carpreau : « Au fait, c’est exceptionnel que les dessins originaux de Star Wars soient exposés en Belgique. Ils ont été réalisés dans les années 80 et 90 par Ralph McQuarrie et Steven Spielberg, entre autres, et sont conservés au musée de George Lucas, le réalisateur de Star Wars. Ce sont des œuvres magnifiques, que l’on peut qualifier d’artistiques. »

‘Geonosis Tower, Exterior Environment’, Star Wars: Attack of the Clones (2002), concept art, Erik Tiemens, Courtesy of Lucas Museum of Narrative Art 

‘Geonosis Tower, Exterior Environment’, Star Wars: Attack of the Clones (2002), concept art, Erik Tiemens, Courtesy of Lucas Museum of Narrative Art © & ™ 2023 Lucasfilm Ltd. All rights reserved. Used under authorization

« La chute des damnés », Dieric Bouts, ca. 1450 | « Star Wars: Attack of the Clones (2002) », digital concept art, Ryan Church

‘La chute des damnés’, Dieric Bouts, ca. 1450, Palais des Beaux-Arts, Lille © RMN-Grand Palais (PBA, Lille) / Stéphane Maréchalle | ‘Republic Attack Gunships on Geonosis’, Star Wars: Attack of the Clones (2002), digital concept art, Ryan Church © Lucas Museum of Narrative Art, Los Angeles

DIERIC BOUTS. Créateur d'images

20.10.23 - 14.01.24