L'artiste sud-africaine Anna van der Ploeg est l'invitée de M pendant cinq mois
L'ARTISTE SUD-AFRICAINE ANNA VAN DER PLOEG EST L'INVITEE DE M PENDANT CINQ MOIS
RENCONTREZ ANNA VAN DER PLOEG
Depuis début mars, M a une nouvelle artiste en résidence. Pendant cinq mois l'artiste Anna van der Ploeg (30 ans) pourra se concentrer pleinement sur son travail à l'atelier de M.
L'importance de cette résidence est immense pour moi
Vous avez fait des études d'art plastique au Cap, mais vous avez obtenu votre Master au KASK à Gand. Pourquoi avoir choisi de venir en Belgique ?
Anna van der Ploeg : « Quelqu'un que je connais a étudié au KASK et m'avait parlé du programme de Master, qui m'attirait surtout parce qu'il permet d'étudier un éventail de disciplines, et donc aussi d'entrer en contact avec des étudiants d'autres domaines. De plus, le climat artistique en Belgique m'intéressait, car j'avais l'impression que dans ce pays il y a de la place et des appuis pour l'art. Et j'avais raison, puisque j'ai obtenu une bourse pour y étudier. C'est plutôt exceptionnel, car il n'y a pas beaucoup de bourses destinées aux étudiants étrangers. »
Est-ce que le temps passé au KASK a influencé votre pratique artistique ?
« Certainement. Je suis arrivée en Belgique en septembre 2020. Un mauvais moment, car à cause du confinement nous n'avions pas accès aux ateliers. La première année n'a donc pas été ce que j'en avais espéré. Je considérais la vie en Belgique comme un élément de l'expérience, mais je n'ai pas eu l'occasion d'y goûter ; j'avais uniquement des contacts avec quelques étudiants et des enseignants. »
« D'un autre côté, comme je disposais de beaucoup de temps, j'ai pu me concentrer pleinement sur mon travail et sur les séminaires théoriques que j'ai trouvés excellents, les meilleurs que j'aie jamais suivis. »
Comment décririez-vous votre travail à quelqu'un qui ne le connaît pas ?
« Mon travail est très varié, mais disons que ce sont des sculptures à la croisée de la gravure sur bois, de la peinture et de la sculpture. En ce moment, je crée surtout des pièces en bois sculpté et peint. »
« Je suis avant tout intéressée par les interactions entre les individus et par la manière dont le langage façonne cette interaction. Mais je ne veux pas représenter directement ces interactions ; je représente donc des objets qui y jouent un rôle. Ce n'est pas tant leur valeur en tant qu'objet qui m'intéresse que leur utilisation par les individus. Concrètement, il s'agit surtout de tables et d'affiches. »
« Les tables ont une fonction importante dans l'interaction humaine. L'espace de conversation change complètement quand on les enlève. Quant aux affiches, ça a démarré comme un tout autre projet, mais plus mes recherches avançaient et plus je remarquais les correspondances. D'ailleurs, le mot “table” a la même racine que “tableau”, qui signifie “surface sur laquelle on peut représenter ou noter quelque chose”. Cette définition pourrait aussi être celle de l'affiche. »
« Il y a encore d'autres points communs. Tant l'affiche que la table est une surface autour de laquelle les gens peuvent se réunir. Elles se prêtent toutes deux au jeu et au comportement ludique, mais renvoient aussi à des rôles et hiérarchies prescrits. »
Vous avez déjà effectué des résidences en Afrique du Sud, en France, en Inde et au Japon. Que signifie la résidence à M pour vous, pour votre épanouissement en tant qu'artiste ?
« L'importance est immense pour moi. J'apprécie énormément le fait qu'il s'agit d'une résidence de recherche, donc qu'on n'attend pas forcément de moi que je produise de nouvelles œuvres. M comprend que les attentes entravent la créativité – même les attentes personnelles lors de l'écriture de la proposition de projet. »
« La résidence m'offre aussi un espace physique dont j'ai réellement besoin. Au cours de ces six derniers mois j'ai déménagé toutes les semaines. La stabilité, la possibilité de travailler à partir d'un même espace, m'attire beaucoup. Savoir que la résidence commencera bientôt me permet aussi de mieux profiter de tous ces déménagements. »
Avez-vous des projets pour votre résidence ?
« Oui, des projets très précis, d'ailleurs, mais je préfère les garder pour moi. En gros, disons que je poursuivrai le travail avec le contreplaqué, qui m'occupe activement en ce moment. Je suis curieuse de découvrir les œuvres en bois que détient le musée, et aussi de voir ce que cet environnement muséal suscitera chez moi. J'ai appris, par exemple, que M possède une collection impressionnante de sculptures médiévales en bois. »
M vous offre la possibilité de vous faire conseiller par des commissaires et autres spécialistes. Y ferez-vous appel ?
« Sans aucun doute ! Pour moi, l'aspect le plus enrichissant des études a été le temps et l'espace qu'elles m'ont fourni pour parler de mon travail avec les autres, tant avec d'autres étudiants qu'avec des spécialistes et des artistes établis. Il arrive rarement qu'on puisse échanger en profondeur à propos de son travail. Pouvoir le faire avec des personnes qui disposent de ces connaissances et moyens… Quelle générosité ! C'est formidable que le musée propose cela. »
Pour finir : que faut-il pour que vous considériez votre résidence comme réussie ?
« Toutes les réponses habituelles à la question de la réussite sont d'application, bien sûr. Mais réfléchir à ce que serait une résidence réellement catastrophique pourrait aussi être amusant… (rires) Peut-être que la réussite, ce sera tout ce qui se distinguera de la résidence catastrophique. »
« En fait, je ne veux pas trop de repères pour la réussite. Je recherche un contexte où je peux être libre, où je peux jouer, car c'est alors que je suis la plus productive. »