L'ancienne présidente et nouveau président du Conseil d'administration en conversation

Denise Vandevoort en Bert Cornillie

Denise Vandevoort en Bert Cornillie, foto: Eva Beeusaert voor M Leuven

L'ANCIENNE PRESIDENTE ET NOUVEAU PRESIDENT DU CONSEIL D'ADMINISTRATION EN CONVERSATION

Denise Vandevoort et Bert Cornillie

Les visiteurs n'en remarquent pas grand-chose, mais dans les coulisses de M un Conseil d'administration contribue à définir la trajectoire du musée. Ces vingt dernières années, le Conseil était présidé par Denise Vandevoort. Le 1er janvier dernier, elle a passé le bâton à Bert Cornillie, au moment où il a repris l'échevinat de la Culture de Louvain.

Denise Vandevoort en Bert Cornillie

Denise Vandevoort en Bert Cornillie, foto: Eva Beeusaert voor M Leuven

M démontre que l'art rend l'individu plus complet

Bert Cornillie
Président du Conseil d'administration de M

Denise Vandevoort : « Vingt années de présidence, ça laisse une foule de souvenirs. Je pense en tout premier lieu à l'ouverture de M en 2009. L'ancien musée était trop petit pour contenir notre collection et nos ambitions. Et il ne répondait plus à l'attention grandissante pour l'art contemporain. Mon prédécesseur avait déjà mis en marche certaines choses ; quand j'ai pris la présidence, nous avons lancé un concours d'architecture pour un projet associant une rénovation et de nouvelles constructions. Le jury a finalement opté pour le projet de Stéphane Beel, qui s'accordait le mieux aux bâtiments existants, tout en étant parfaitement contemporain. Je reste persuadée que c'était le meilleur dossier. Stéphane a aussi affirmé dès le départ qu'il fallait aménager un dépôt souterrain sur place. Cela a été un véritable exploit, mais il a été mené à bien. »

Denise Vandevoort

Denise Vandevoort, foto: © Eva Beeusaert voor M Leuven

« Dès le début, nous avons estimé qu'il était important d'associer les Louvanistes à M. Au cours des travaux nous avons donc présenté des œuvres de la collection dans les vitrines de commerces de Louvain, des agences bancaires, des services municipaux… Après, tout nous a été correctement rendu (rires). »


« Pour trouver le nouveau nom, nous avons fait appel à une agence de communication. Ces spécialistes nous ont demandé : “Pourquoi ne pas l'appeler tout simplement M comme “Musée” ?” Ça me semblait d'abord un peu trop simpliste, mais heureusement je me suis laissée convaincre. Du point de vue de la communication, ce nom offre beaucoup de possibilités – il suffit de penser aux “M -bassadeurs” et “M-cènes”. De plus, Mathilde et Máxima – toujours princesses à l'époque – ont accepté de venir inaugurer le musée ; le lien entre le nom de M et leur prénom y a sûrement contribué. C'était une journée formidable, qui a attiré une masse de curieux. On sentait que les Louvanistes ouvraient immédiatement leur cœur au nouveau musée. »

Sans rien payer

« M est un musée innovant parce qu'il associe l'art ancien et l'art contemporain, alors que la plupart des musées se concentrent sur l'un ou l'autre. Nous n'avions pas de collection d'art contemporain au départ, mais en 2011 nous avons pu conclure un accord de prêt à long terme avec Cera, et plus tard également avec la Communauté flamande. Les premières années, on me demandait de temps en temps comment M pouvait se permettre de disposer de toutes ces œuvres contemporaines, mais nous avons pu les obtenir sans rien payer. »

 

« Une autre facette qui distingue M est son approche transhistorique. Cela signifie que le musée expose des œuvres d'art de différentes périodes et disciplines, pour qu'elles puissent nouer un dialogue. Ce choix était manifeste d'emblée, dès l'exposition inaugurale consacrée à Rogier van der Weyden en 2009. L'artiste louvaniste Walter Verdin avait réalisé une installation vidéo inspirée de “La Descente de Croix”. Cela a été une révélation pour bon nombre de visiteurs : “Ah bon, l'art peut aussi être abordé de cette façon !” Cette exposition était de toute façon superbe. Un grand nombre de pièces exposées à cette occasion n'avaient jamais été vues en Belgique ; nous n'avons d'ailleurs pu les montrer que grâce aux contacts avec les Cours d'Espagne et de Belgique. »

 

Bert Cornillie : « Cet automne, M organise une grande exposition autour de Dieric Bouts, un contemporain de Van der Weyden qui travaillait ici, à Louvain. Elle comprendra également des pièces uniques, ainsi que des œuvres d'artistes contemporains. L'approche transhistorique est d'une valeur inestimable. »


Denise : « M a aussi adopté dès le départ une politique de médiation envers le public résolument moderne. Les musées ont souvent une image poussiéreuse et rébarbative, mais M a toujours accueilli à bras ouvert les écoles, les familles, les personnes venues d'horizons différents… »

Bert : « Pour moi, “De Kunstbrug” – le “Pont des Arts” – était une initiative très inspirante. Il s'agissait d'une collaboration étalée sur six ans avec Mater Dei, une école louvaniste d'une extrême diversité. À la fin, des élèves ont pu guider leurs parents et des élèves d'autres classes à travers le musée. C'était une jolie façon de leur donner plus d'assurance, tout en y associant leurs aînés. Il y a aussi M-IDZOMER, le festival d'art et de musique annuel. Combien de musées connaissez-vous qui organisent un tel événement ? M s'adresse aussi à la communauté au sens plus large, ce que nous devons certainement maintenir. »

Bert Cornillie

Bert Cornillie, foto: © Eva Beeusaert voor M Leuven

Denise : « Par ailleurs, M a toujours sérieusement investi dans la recherche scientifique. Il y a eu, par exemple, l'étude des mouvements oculaires : des chercheurs ont examiné ce que regardent exactement les visiteurs quand ils se tiennent devant une peinture. Ils ont ainsi pu obtenir des informations précieuses. »


Bert : « Le musée a aussi offert des opportunités aux jeunes talents et continue de le faire, entre autres par le biais des M-résidences. Des artistes émergents ont ainsi l'occasion de travailler en toute sérénité à un projet, qu'ils peuvent ensuite présenter à M. »

Montant record

Denise : « Je veux aussi souligner que dès le début de la crise du Covid, la Ville de Louvain, M et Cera ont soutenu financièrement le secteur artistique. Nous étions des pionniers dans ce domaine et les pouvoirs publics flamands nous ont emboîté le pas. J'ose donc affirmer que M fait figure d'autorité, également auprès des décideurs politiques. »

 

Bert : « C'est incontestable. Event Flanders accorde même 2 millions d'euros au festival urbain qui sera consacré à Bouts cet automne. Un montant record ! »

 

« Tout se passe bien pour M et il faut veiller à maintenir cette dynamique. Nous allons tout au plus réorienter légèrement certains aspects. En interne, nous allons nous concentrer encore davantage sur la réduction de notre empreinte écologique. Vers l'extérieur, nous continuerons à positionner M comme une maison ouverte où tout le monde est le bienvenu. Nous ferons de notre mieux pour attirer encore plus de jeunes et de personnes de diverses origines sociales – c'est un défi pour tous les musées. Mais peu importe qu'on soit hautement qualifié ou peu scolarisé, le contact avec l'art est toujours une expérience bénéfique, qui vous rend plus complet en tant qu'individu. Pour moi, c'est là l'essentiel. »

M a ouvert ses portes il y a quatorze ans. Quel a été votre sommet personnel ?

Denise : « Ouf, il y en a eu tant… Mais je repense avec plaisir au photographe Dirk Braeckman, qui a eu sa première exposition à M en 2011-2012. Quelques années après, il a demandé à Eva Wittocx, conservatrice du département d'Art contemporain, de l'aider à constituer un dossier pour pouvoir représenter notre pays à la Biennale de Venise de 2017 – un grand honneur réservé à une poignée d'artistes seulement. En tant que Conseil d'administration, nous avons accepté cette demande. Très franchement, nous n'y croyions pas trop, mais Braeckman a bien été choisi ! M a même envoyé toute une équipe à Venise pour s'occuper du pavillon belge où exposait le photographe. Cela nous a ouvert un grand nombre de portes. Ainsi nous avons pu collaborer récemment avec le Louvre pour l'exposition “Albâtre”. Cela n'aurait probablement pas été possible auparavant. »

 

Bert : « J'ai vu beaucoup de choses formidables à M, mais je me souviens tout particulièrement de “Pouvoir et Beauté” en 2018-2019, l'exposition consacrée à la dynastie des Arenberg. Je ne savais pas trop à quoi m'attendre, mais c'était impressionnant. Déjà rien que de voir tous les endroits qui ont été marqués par cette famille… L'exposition s'accompagnait aussi d'un festival qui a attiré des dizaines de milliers de visiteurs, un autre bel exemple de la manière dont M s'ouvre au public. »

Denise Vandevoort en Bert Cornillie

Denise Vandevoort en Bert Cornillie, foto: © Eva Beeusaert voor M Leuven