Dans les coulisses du M : l'équipe d'entretien

De poetsploeg van M

M Leuven, foto: Sanne Delcroix

Dans les coulisses du M : l'équipe d'entretien

Art et propreté

Même les œuvres d'art ne sont pas épargnées par la poussière et la saleté. Alors, qui les nettoie au M ? Et comment ? Astrid Schriers et Abdi Osman Hashi nous livrent leurs secrets.

De poetsploeg van M

M Leuven, foto: Sanne Delcroix

Astrid (22 ans) : « Je suis en dernière année de Conservation et Restauration à l'Université d'Anvers, je devrais avoir terminé en juin. Le semestre dernier j'ai effectué un stage au M, principalement au dépôt. J'ai pu y découvrir petit à petit les tâches à effectuer dans un musée : enregistrer les objets, les photographier, les emballer, les nettoyer… Mes études m'avaient déjà fourni un bon bagage, mais mettre tout cela en pratique dans un environnement de travail réel est bien utile. »

 

« Au bout de mon stage, on m'a demandé si j'avais envie de rester comme jobiste pour continuer à assister Benedicte, la gestionnaire du dépôt. Je viens donc au musée tous les mercredis. Une de mes tâches consiste à nettoyer les œuvres d'art ancien exposées dans les salles. Nous utilisons un aspirateur muni d'un filtre HEPA spécial qui retient les particules de poussière les plus fines, pour qu'elles ne se libèrent pas de nouveau et endommagent les pièces. Pour les finitions, je me sers d'un pinceau. »

Mercredi, jour de l'aspirateur

« Nous travaillons toujours à l'abri des regards, car un aspirateur peut être très bruyant et il ne faut pas gêner les visiteurs. C'est pourquoi je viens travailler le mercredi, le jour de fermeture du M. Comme le nettoyage des 300 pièces et de leurs socles est un gros boulot, nous avons divisé le musée en quatre secteurs. La première semaine nous faisons l'entretien du premier secteur, la deuxième semaine du second… et au bout de quatre semaines nous avons fait le tour. Il me faut à peu près une heure et demie par secteur, donc je ne pourrais jamais tout faire d'un seul coup. Et puis au bout d'un moment, traîner tout ce matériel d'entretien devient fastidieux. »

 

« Il y a des œuvres que nous ne devons pas nettoyer. Celles de l'exposition Imaginer l'univers, par exemple. Ce sont des objets donnés en prêt au M par d'autres musées, qui demandent souvent explicitement de ne pas nettoyer leurs pièces. »

 

Oups !

« L'idée de toucher des objets aussi anciens et précieux effrayerait peut-être certaines personnes, mais moi, j'aime être chargée d'une telle responsabilité. Bien sûr, nous sommes conscients de la valeur des objets, mais nous les abordons plutôt sous un angle technique : “Celui-ci est facile à nettoyer, celui-là un peu plus difficile” (rires). Au M, on m'a clairement fait comprendre dès le départ que je ne devais pas me sentir coupable si un problème se présentait. Il est évident que nous sommes tous d'une extrême prudence, mais avec des objets d'un tel âge un pépin peut toujours arriver. Si ce n'est pas à vous, ce sera à quelqu'un d'autre. Heureusement, nous savons tous comment réagir. »

 

« Justement, la semaine dernière une fine écaille de peinture s'est détachée alors que je nettoyais une statue médiévale. Je l'ai rangée dans une pochette à l'aide de pincettes en notant la provenance et j'ai fait des photos pour documenter le tout. Nous enregistrons un tel incident dans le système de gestion de la collection, pour décider plus tard comment procéder. Si le fragment est assez grand, il est remis en place. À un tel moment, la première réaction est évidemment “Oups !”, mais d'un autre côté il faut se dire que cette écaille aurait lâché tôt ou tard. J'ai eu la malchance que c'est arrivé pendant que je dépoussiérais la statue. »

 

« Ça peut sembler bizarre, mais nettoyer ces œuvres me détend : être ultra-concentrée en maniant mon petit pinceau, mais ne penser à rien d'autre, être dans ma bulle au cœur du musée désert. Ça ne plaira peut-être pas à tout le monde, mais moi j'adore. »

Abdi (33 ans) : « Je viens de Mogadiscio, capitale de la Somalie. La vie y est difficile, il n'y a pas de travail, et quand on a malgré tout trouvé un emploi, Al-Chabab (mouvement islamiste fondamentaliste, généralement considéré comme un groupement terroriste, NDLR) vient vous trouver : “Eh bien Abdi, tu travailles maintenant, alors tu nous cèdes la moitié de ton salaire.” Le gouvernement veut l'autre moitié et il ne vous reste plus  rien. »

 

« Il y a sept ans, j'ai passé une année au Kenya, où j'ai appris plusieurs autres langues. De retour en Somalie, j'aidais les soldats de l'AMISOM (African Union Mission in Somalia, opération de maintien de la paix de l'Union africaine, NDLR). Je les accompagnais au marché pour servir d'interprète s'ils voulaient acheter un teeshirt, par exemple. »

 

« Les membres d'Al-Chabab, qui l'avaient remarqué, m'en voulaient : “Pourquoi tu travailles pour l'AMISOM, Abdi ?!” Ils m'ont mutilé le bras droit à coups de machette (il montre les cicatrices recouvrant son avant-bras) et ils m'ont tiré une balle dans la jambe gauche ; je n'ai pas pu marcher pendant quelque temps. Quand j'ai été guéri, ma mère m'a appelé : “Abdi, il vaut mieux que tu ne rentres pas, ils t'attendent ici.” La coupe était pleine, je suis parti. »

Treize mois de périple

« Au Kenya, j'ai pris l'avion pour Dubaï et de là pour l'Iran. Ensuite j'ai marché. J'ai fait de temps en temps un court trajet en bus ou en train, mais je me suis surtout déplacé à pied. D'Iran, nous avons marché jusqu'en Turquie, puis nous avons traversé la Méditerranée en barque pour nous rendre en Grèce. Ensuite nous sommes passés par la Macédoine, la Serbie et la Hongrie avant d'arriver en Autriche, et nous avons traversé toute l'Allemagne pour venir en Belgique. Le voyage a duré treize mois. Je suis parti le 27 juillet 2014 et je me suis présenté au Haut-Commissariat pour les Réfugiés à Bruxelles le 26 août 2015. On m'y a donné des documents et j'ai été envoyé à Liège, où j'ai passé un an et trois mois dans un centre. Ce n'était pas une bonne période, il n'y avait rien à faire à part manger et dormir. Je n'aimais pas ça. »

 

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