Dieric Bouts en 11 questions

Dieric Bouts

CE QUE VOUS AVEZ TOUJOURS VOULU SAVOIR SUR LE PEINTRE LE PLUS CÉLÈBRE DE LEUVEN

Dieric Bouts en 11 questions

Cet automne, M organise une grande exposition rétrospective autour de Dieric Bouts (v. 1410-1475), le peintre de « La Cène ». Si nous ne savons pas grand-chose à son propos, ce que nous savons est particulièrement intéressant.

Dieric Bouts

D'où était-il originaire ?

On lit souvent que Bouts serait né à Haarlem, mais rien n'est moins sûr. L'auteur Karel van Mander a été le premier à l'affirmer, au XVIIe siècle, mais nous ne savons pas d'où lui était venue cette information. Nous ne savons pas non plus quand Bouts est né – probablement dans les années 1410. Il faut attendre 1448 pour voir apparaître la première mention de son nom dans les registres échevinaux de Louvain, conservés quasiment au grand complet. Nous pensons donc pouvoir en conclure que Bouts n'est pas né à Louvain, car sinon il aurait déjà été mentionné auparavant dans ces registres.

 

Pourquoi est-il venu à Louvain ?

Probablement parce qu'il savait qu'il pourrait bien y gagner sa vie. Au milieu du XVe siècle Louvain connaissait un grand essor, tant économique que culturel. L'université venait d'être fondée, la première pierre de l'hôtel de ville venait d'être posée et l'église Saint-Pierre était à moitié achevée. Pour un jeune peintre ambitieux, cela devait être l'endroit idéal pour s'y installer : une ville prospère, dynamique, comptant un grand nombre de clients potentiels.

 

Son prénom, c'est Dieric ou Dirk ?

Jusqu'à récemment, nous écrivions systématiquement « Dirk », c'est-à-dire la forme plus moderne de « Dieric ». Mais dorénavant nous utilisons l'orthographe qui figure dans les pièces d'archives anciennes.

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Marteling van de heilige Erasmus met de heiligen Hiëronymus en Bernardus (middenpaneel)
'Le martyre de Saint Erasme avec les Saints J

Combien de tableaux a-t-il peints ?

C'est difficile à dire, car Bouts n'a signé aucune œuvre. Pour « La Cène », le contrat qu'il avait conclu avec le commanditaire, la Confrérie du Saint-Sacrement, a été conservé, donc nous avons la certitude qu'il en est l'auteur. Pour le reste de son travail, les chercheurs se laissent surtout guider par les correspondances stylistiques. Bouts dirigeait un atelier relativement important. Pour bon nombre d'œuvres, il réalisait uniquement le dessin formant le fond du tableau, qui était ensuite terminé par ses compagnons ou apprentis. Cela complique aussi l'attribution concluante des tableaux au peintre en personne.

 

Était-il déjà un peintre célèbre à son époque ?

Sûrement à Louvain, car Bouts y a été nommé peintre municipal en 1472. Cette fonction se limitait en principe à une tâche unique, mais essentielle, l'entretien et la réparation des chars d'apparat servant au cortège de l'Ommegang annuel. Mais la réputation de Bouts était telle qu'il ne devait pas s'en occuper personnellement. En revanche, il a fourni des tableaux à la ville et ses institutions.

 

Qui étaient ses clients ?

Bouts travaillait pour l'élite louvaniste, dont la Confrérie du Saint-Sacrement pour laquelle il a peint « La Cène » et « Le Martyre de Saint-Érasme ». Pour la ville, il a entre autres peint deux gigantesques scènes de justice – vous trouverez plus de détails à ce propos dans un article de la rubrique « Souffleur ». Mais il vendait aussi des pièces à de riches particuliers. Ceux-ci voulaient souvent des œuvres de contemplation, très demandées vers la fin du Moyen Âge. C'étaient des tableaux religieux de dimensions modestes devant lesquels on pouvait prier et méditer. Bouts en a peint un grand nombre et en avait toujours quelques-unes en réserve ; on pouvait donc tout simplement venir les acheter chez lui. « L'Homme de douleur », présent dans la collection de M, en est un bon exemple.

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Marteling van de heilige Erasmus met de heiligen Hiëronymus en Bernardus (rechter zijluik)
'Le martyre de Saint Erasme avec les Saints J

Est-ce qu'il avait une famille ?

Oui, il a épousé Catharina van der Brugghen en 1448. Le sobriquet de cette jeune femme, « Metten Gelde » – « Avec l'Argent » – indique qu'elle était fortunée. C'est grâce à son réseau de relations que Bouts a pu nouer ses contacts avec l'élite sociale de Louvain ; ces personnes étaient les seules à pouvoir se permettre ses œuvres. Bouts a eu deux fils avec Catharina, Albrecht et Dieric, qui sont devenus peintres et ont travaillé dans l'atelier de leur père. Le couple avait aussi deux filles, qui sont toutes deux entrées au couvent. Après la mort de Catharina, Bouts s'est remarié en 1474 avec Elisabeth van Voshem, la veuve d'un bourgmestre de Louvain. Mais il n'a pas pu profiter bien longtemps de son nouveau bonheur, car il est décédé un an à peine après ce mariage.

 

Où habitait-il ?

Au 5 de la Minderbroedersstraat, dans une maison qui s'appelle à présent « Eygen Heerd » et appartient à la KU Leuven. Elle a beaucoup changé, mais quelques éléments médiévaux ont été conservés. L'atelier du peintre était probablement installé à cette même adresse. Il y avait même un vignoble derrière la maison. Cela n'est pas extraordinaire en soi – Louvain était connu pour ses vignobles vers la fin du Moyen Âge –, mais confirme que Bouts était un homme riche.

Albrecht Bouts

Na het overlijden van Dieric schilderde zijn zoon Albrecht verder in de stijl van zijn vader. Voor dit werk baseerde hij zich op een zijpaneel van ‘Het Laatste Avondmaal’, foto: artinflanders.be, Dominique Provost

Quelle est son importance pour l'histoire de l'art ?

Elle est plutôt considérable. En même temps que le Brugeois Petrus Christus, Bouts a été le premier peintre de nos régions à avoir recours à ce qu'on appelle la « perspective à point de fuite ». Autrement dit, toutes les lignes visuelles d'un tableau convergent vers un seul et même point. Les peintres plus anciens comme Jan van Eyck maniaient une perspective plus instinctive, pas strictement exacte. La technique de la perspective à point de fuite était arrivée d'Italie. Bouts n'avait jamais voyagé dans ce pays, mais avait peut-être trouvé l'inspiration dans la bibliothèque humaniste de l'Abbaye du Parc, qui possédait beaucoup de traités italiens. Cette technique ne se généraliserait qu'à la Renaissance, un demi-siècle plus tard.

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Triptiek met het Laatste Avondmaal en bijbelse taferelen: Laatste Avondmaal (middenpaneel)

Où peut-on voir des œuvres de Bouts ?

Dans des musées du monde entier : à Londres, Berlin, Madrid, Copenhague, aux États-Unis… Et à M, bien sûr. « L'Homme de douleur » fait partie de notre collection, et plus tard dans l'année nous organisons une grande exposition rétrospective. Deux œuvres de Bouts – seulement ! – sont toujours visibles à l'endroit pour lequel elles ont été peintes : après cinq siècles, « La Cène » et « Le Martyre de Saint-Érasme » se trouvent toujours à la collégiale Saint-Pierre de Louvain.

‘Man van Smarten’, Dieric Bouts, ca. 1470, M Leuven

‘Man van Smarten’, Dieric Bouts, ca. 1470, M Leuven © KIK-IRPA

Que pourra-t-on voir dans l'exposition Bouts à M ?

Que pourra-t-on voir dans l'exposition Bouts à M ?Bien évidemment beaucoup d'œuvres de Bouts, de son fils Albrecht et de ses successeurs. Tout spécialement pour l'exposition, « La Cène » et « Le Martyre de Saint-Érasme » déménagent temporairement à M. De plus, nous plaçons Bouts face à des créateurs d'images d'aujourd'hui – ses successeurs lointains, pourrait-on dire : des publicitaires, des caricaturistes, des cinéastes… Vous pourrez, par exemple, comparer les paysages de Bouts aux storyboards originaux du cycle « La Guerre des Étoiles » de George Lucas. Ces artistes ont tous deux créé un univers pas nécessairement réaliste, mais familier. Un événement à attendre avec impatience !

« La chute des damnés », Dieric Bouts, ca. 1450 | « Star Wars: Attack of the Clones (2002) », digital concept art, Ryan Church

‘La chute des damnés’, Dieric Bouts, ca. 1450, Palais des Beaux-Arts, Lille © RMN-Grand Palais (PBA, Lille) / Stéphane Maréchalle | ‘Republic Attack Gunships on Geonosis’, Star Wars: Attack of the Clones (2002), digital concept art, Ryan Church © Lucas Museum of Narrative Art, Los Angeles

Dieric Bouts. Créateur d'images

Cet automne, M présente une grande exposition rétrospective consacrée à Dieric Bouts dans le cadre du « New Horizons | Dieric Bouts Festival ».. Jamais auparavant un tel nombre d'œuvres du Maître flamand n'a été réuni dans la ville où il résidait. Au travers de la confrontation radicale à la culture visuelle actuelle, l'expo pose aussi un tout nouveau regard sur ces œuvres créées il y a plus de cinq siècles.