Nouvelle présentation de la collection au M Les Dix

De tien proefkonijnen van M

© M Leuven, foto: Dries Lievens

Les Dix

Nouvelle présentation de la collection au M Les Dix

Tous les deux ans, en collaboration avec des membres du public, M monte une nouvelle présentation de sa collection, une exposition temporaire d'œuvres de la collection autour d'une thématique commune. Il y a quelques mois, la présentation précédente, intitulée 'Non-sens et folie', a été remplacée par 'Les Dix'. Cette dernière se compose de dix œuvres remarquables, sélectionnées par dix « cobayes » selon une méthode originale, à l'abri du Covid.

De tien proefkonijnen van M

© M Leuven, foto: Dries Lievens

En novembre dernier, M a lancé un appel à volontaires. Parmi la cinquantaine de candidats, dix personnes ont été retenues. Ce groupe a d'abord découvert en ligne trente œuvres de la collection du M, sélectionnées au préalable par le musée. Ensuite, au fil de plusieurs étapes, les dix participants ont pu attribuer un score à leur œuvre préférée, par le biais de vidéoconférences et du tableau blanc collaboratif Miro. Au bout du vote à chaque étape, plusieurs œuvres ont été éliminées, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que les dix œuvres exposées à présent au M. Mais en fait, les pièces écartées ont également reçu une place dans l'expo ; pour découvrir comment, lisez les témoignages.

L'œuvre préférée d'Ilias Mohout

'Loth et ses filles', vers 1780-1810, Pieter Jozef Verhaghen

Ilias (24 ans) : « Quand j'ai vu passer l'appel à volontaires sur les réseaux sociaux, j'ai d'abord pensé que c'était parfait pour ma colocataire, qui a fait des études d'histoire de l'art. Mais pour finir j'ai moi-même posé ma candidature. Je suis amateur d'art et de culture, mais pas connaisseur, et je n'avais visité que quelques fois M. Voilà pourquoi je voulais participer : pour apprendre à regarder l'art en connaissance de cause. »

 

« À première vue, la mécanique de jeu – nous devions attribuer un score aux œuvres qui nous plaisaient et, en plus, les défendre auprès des autres participants – me semblait légèrement puérile. Mais en fait, le système est astucieux. Grâce à lui, la contribution de tous les cobayes était équivalente, sans que les participants mieux informés ou aux opinions plus carrées ne prennent le dessus. »

 

« J'étais surtout attitré par ce tableau de Pieter Jozef Verhaghen. Les autres participants préféraient l'art contemporain, mais il ne me parle pas toujours. L'une des trente œuvres s'intitule Monochrome noir ; pour moi c'est une surface noire, rien de plus (rires). »

Zaalzicht 'De Tien', M Leuven, 2021

Zaalzicht 'De Tien', M Leuven, 2021, foto: Dries Lievens voor M Leuven

Zaalzicht 'De Tien', M Leuven, 2021

Zaalzicht 'De Tien', 2021, M Leuven, 'Lot en zijn dochters', Pieter Jozef Verhaghen, ca. 1780-1810, M Leuven, foto: © Miles Fischler voor M Leuven

'Lot en zijn dochters', Pieter Jozef Verhaghen, ca. 1780-1810

'Lot en zijn dochters', Pieter Jozef Verhaghen, ca. 1780-1810, M Leuven, foto: © Miles Fischler voor M Leuven

« La scène de 'Loth et ses filles' semble innocente, jusqu'à ce qu'on apprenne l'histoire qu'elle raconte. Le personnage biblique Loth doit fuir la ville de Sodome en compagnie de ses deux filles célibataires. Ces jeunes femmes décident d'enivrer leur père – remarquez la coupe de vin qu'il tient à la main – et de le séduire, et elles conçoivent chacune un fils de lui. L'histoire est bizarre à nos yeux, elle évoque toute la problématique #MeToo. Mais Anne, une collaboratrice du M, nous a donné un peu plus d'explications : ces deux fils deviendraient les patriarches de deux peuples, les Moabites et les Ammonites. »

 

« Ce qui m'a surtout passionné, c'est de constater à quel point les connaissances et le bagage dont on dispose colorent l'interprétation d'une œuvre. Si notre perspective #MeToo nous guide aujourd'hui, au XVIIIe siècle la lecture de l'œuvre était entièrement différente. Et qui sait ce que les générations futures y verront. »

 

« La sélection a eu lieu en ligne, mais en fin de parcours nous avons pu aller voir pour la première fois notre œuvre préférée au dépôt du M. C'était très spécial, j'avais vraiment le nez sur le tableau. Après le montage de l'exposition, nous l'avons visitée ensemble – c'était la première fois que je voyais les neuf autres cobayes en chair et en os. Plus tard, je suis allé revoir l'exposition avec des amis. »

 

« Participer à l'initiative Les Dix a été une expérience particulière. Je me sens beaucoup plus proche du M à présent, le musée est devenu plus important pour moi. Et plus encore qu'avant, je le suis assidument sur les réseaux sociaux (rires). »

L'œuvre préférée de Lila Maria de Coninck

Antependium à monogramme du Christ, vers 1550-1600, auteur inconnu, laine et soie

Lila Maria (16 ans) : « En découvrant le projet sur Internet, j'ai réagi à l'instant, spontanément. Et j'ai été retenue ! »

 

« Parmi les trente œuvres sélectionnées, j'avais immédiatement mes préférées, des œuvres contemporaines, surtout des photos. Un antependium vieux de cinq cents ans ne me disait pas grand-chose. Jusqu'à ce que j'apprenne son histoire. »

 

Zaalzicht ‘De Tien’, 2021

Zaalzicht ‘De Tien’, 2021, M Leuven, 'Antependium met Christusmonogram', onbekende maker, ca. 1550-1600, M Leuven, foto: Dries Lievens voor M Leuven

Antependium met Christusmonogram, onbekende maker, ca. 1550-1600

Antependium met Christusmonogram, onbekende maker, ca. 1550-1600, M Leuven

« Un antependium est une tenture dont on recouvre l'autel. Cet exemplaire provient de l’hôtel-Dieu Saint-Pierre de Louvain, une espèce d'hôpital du Moyen Âge. À l'époque, on soignait les malades avec des simples et des herbes, et plusieurs de ces plantes médicinales sont représentées sur cette pièce : des violettes, des digitales, des ancolies… Je ne dis pas que je les reconnais toutes, mais certains de mes proches sont passionnés de médecines naturelles – c'est ce qui a attiré mon attention. On y voit aussi des fraisiers, mais je ne sais pas exactement quelle maladie ils pouvaient soigner (rires). Et puis il y a des plantes psychédéliques comme les coquelicots. C'est intéressant de voir qu'on s'en servait déjà à l'époque, même si tous les effets n'étaient peut-être pas connus. »

 

« Quand j'ai vu l'antependium pour la première fois au dépôt du M, il était plus petit que je ne croyais. C'était un beau moment, car tant qu'on voit une pièce uniquement sous sa forme numérique, une certaine distance demeure. Au dépôt, cette barrière a été supprimée. »

 

« Pouvoir composer une exposition à dix était aussi très amusant. L'ambiance était excellente, dès après la deuxième séance de Zoom j'avais déjà l'impression d'avoir trouvé un nouveau groupe d'amis avec qui je pouvais parler d'art tous les jeudi soirs. Se rencontrer pour la première fois en personne, tout à la fin, a été formidable – nous pouvions enfin aussi parler de sujets différents (rires). C’était une autre barrière qui tombait. »

 

« J'habite à Anvers, donc avant 'Les Dix' je ne connaissais pas bien M – je l'avais visité une seule fois avec l'école. Je suis en dernière année de Sciences humaines, mais je m'intéresse beaucoup à l'art. J'ai pris des cours de dessin et en ce moment je suis une formation de chant et de composition de chansons. J'adore visiter les musées. Le Musée de la Photo d'Anvers est celui que je préfère, mais je fréquente aussi le Middelheim, le M HKA et des musées bruxellois. Dorénavant, je guetterai sûrement aussi ce qui se passe au M ! »

L'œuvre préférée de Lotte Cools

Guy trap op trap af, vidéo 8 mm, 1970, Guy Mees

Lotte (34 ans) : « Il y a quelques années, lors d'une visite au Kunsthistorisches Museum de Vienne avec une amie, nous y avons vu une exposition dont les commissaires étaient la costumière Juman Malouf et son mari Wes Anderson, le réalisateur de, entre autres, The Grand Budapest Hotel. Ils avaient sélectionné 400 objets dans les dépôts du musée et les avaient rassemblés en un récit merveilleux. C'était une expérience unique, époustouflante. Quand j'ai lu dans le quotidien De Standaard que M cherchait dix cobayes, j'ai donc immédiatement été intéressée. »

 

« Le projet 'Les Dix' était conçu comme un jeu numérique. Parmi les trente pièces proposées plusieurs œuvres m'attiraient, mais cette vidéo de Guy Mees sortait du lot. On y voit Mees, une caméra vidéo à la main, monter un escalier, puis le redescendre. L'artiste n'est pas visible, on voit uniquement les marches et les murs. Et on ne sait pas où ça a été tourné : dans sa maison, dans son atelier ? On entrevoit juste quelques-unes de ses œuvres. La vidéo n'est pas longue, elle ne dure qu'une minute environ, mais on peut continuer à l'infini à la regarder. »

Zaalzicht 'De Tien', M Leuven, 2021, ‘Guy trap op trap af’, Guy Mees, 1970

Zaalzicht 'De Tien', M Leuven, 2021, ‘Guy trap op trap af’, Guy Mees, 1970, Cera-collectie bij M Leuven, foto: Dries Lievens voor M Leuven

‘Guy trap op trap af’, 8 mm-video, 1970, Guy Mees

‘Guy trap op trap af’, 8 mm-video, 1970, Guy Mees, Cera-collectie bij M Leuven

« Emprunter un escalier est une action simple, tout à fait ordinaire, mais cette vidéo m'a invitée à y réfléchir. L'escalier est noir, les murs sont peints en blanc. À un moment, quand Mees passe sur un petit palier, on voit uniquement du blanc. C'est déroutant ; pendant un instant, on ne sait plus ce qu'on regarde. Ça m'a inspiré des questions plus fondamentales, telles que “Où vais-je dans ma propre vie ?” Dans la vidéo, Mees ne va nulle part – j'ai trouvé cela interpellant. De plus, ça m'a fait réaliser qu'emprunter un escalier n'est pas simple pour tout le monde ; un escalier peut aussi être un obstacle. »

 

« Une cage d'escalier est par définition un lieu vide, on y vient seulement pour se rendre ailleurs, et pourtant nous avons tous connu des expériences significatives dans des escaliers : peut-être un premier baiser dans l'escalier de l'école, des adieux sur les marches d'une gare… Cette ambiguïté m'inspire. Je suis moi-même créatrice de costumes et je sens que j'y puiserai aussi de l'inspiration pour mon travail. »

 

« Après avoir sélectionné les dix œuvres, le groupe de cobayes s'est réuni lors de l'ouverture de l'exposition au M. Nous avons eu une grande surprise : les vingt pièces éliminées y figuraient aussi ! Elles ont été réunies dans une salle aménagée en dépôt. Ensuite on arrive dans l'espace voisin où sont exposées les dix œuvres “gagnantes” ; elle ressemble plus à une salle de musée traditionnelle. On peut aussi y visionner une vidéo qui retrace le processus de sélection. »

 

« Je repense avec plaisir à cette expérience. Du point de vue conceptuel, elle était passionnante : discuter d'art avec dix inconnus, découvrir des perspectives différentes, repérer des détails passés inaperçus jusque-là… Mais elle a aussi été enrichissante d'un point de vue social, car grâce à l'art, des inconnus sont devenus des personnes familières. C'est très précieux, surtout en cette période de Covid. »

 

'Les Dix': 28.05.2021 - 26.02.2023

 

Cette présentation de la collection a été rendue possible grâce aux contributions des M-cènes à travers M-LIFE et en coopération avec Cera.