Richard Long
Richard Long à propos de son exposition au M
Vous avez élaboré l'exposition autour du thème du Big Bang. Connaissiez-vous le travail de Lemaître, à l'origine de cette théorie ?
« En tant que jeune artiste, j'ai lu The ABC of Relativity de Bertrand Russell et un nouveau monde s'est ouvert à moi. Je pense que Lemaître connaissait Einstein comme collègue et ami. Alors que j'étais à Princeton pour réaliser la sculpture monumentale ‘Slate Oasis’, j'y ai visité le bureau d'Einstein. »
« Paul Dirac a formulé des équations d'une grande élégance en mécanique quantique. À ma grande surprise, j'ai découvert récemment qu'il était originaire de la même ville que moi, Bristol, et que nous y avons fréquenté la même école. Il s'est marié à l'église où nous défilions en procession avec les scouts. Tant de points communs… »
La théorie du Big Bang affirme que l'univers est en évolution constante et que dans un passé lointain, ce qui le compose actuellement formait un tout étroitement imbriqué. Comment cela se rapporte-t-il à votre approche de l'espace et du temps ?
« L'espace et le temps ont toujours été importants dans mon travail, surtout en ma qualité de walking artist. Notre monde aussi change continuellement, mais à plus petite échelle. Tous ces niveaux différents m'intéressent, le rapport entre les échelles de temps géologiques et la durée de vie d'un papillon. J'ai réalisé des sculptures pour lesquelles j'ai employé des pierres en tant que métaphores des particules quantiques. Au M sera exposé ‘Entropy Stones’, un travail d'expansion : c'est un tas compact de pierres que j'ai démantelé pour disperser ces pierres de nouveau une à une sur une longue distance. »
Pour l'exposition, vous allez réaliser une nouvelle mud work sur les murs du musée. Savez-vous déjà quelle forme prendra cette œuvre ?
« Je sais que j'en réaliserai deux, un cercle et une ligne. Et je sais aussi comment je les réaliserai : spontanément, rapidement, de la main droite. Je suis intéressé par la force et la beauté de l'image dans son ensemble, mais aussi par la variation “cosmique” des détails à petite échelle, les éclaboussures et les motifs non récurrents. Une œuvre de boue révèle la nature de l'eau et de la gravitation terrestre. »
Qu'espérez-vous comme expérience pour les visiteurs de votre exposition ?
« J'espère qu'ils aimeront ce qu'ils verront. Que les images et les matériaux, les idées et les lieux leur apporteront une expérience réussie, tant de près que de loin. »
Nombre de vos œuvres deviennent une partie du paysage et changent avec lui. Le passant ne remarque peut-être même pas leur présence. Mais les photos que vous en faites ne changent pas. Le public vient spécialement au musée pour les voir. Y a-t-il pour vous une hiérarchie entre ces deux facettes de votre activité artistique ?
« J'aime l'idée que je peux exprimer mon art de beaucoup de façons différentes. Les sculptures et les mud works nourrissent les sens, les textes et les photos nourrissent l'imaginaire. Il n'y a aucune hiérarchie. Une partie de mon travail est publique – on la retrouve dans les musées ou dans des livres. Une autre partie est presque imperceptible, ou se situe dans des endroits éloignés, en montagne ou dans le désert, ou n'est pas persistante. Toutes ces formes sont complémentaires, elles reflètent la diversité de mon activité artistique, certains choix que j'ai faits et les obstacles et avantages que j'ai connus au cours de ma vie. »
Richard Long: 22.10.2021 - 20.03.2022