Wael Shawky expose au M

Shawky est Égyptien, mais il a passé une grande partie de son enfance en Arabie saoudite. Il y a vu de près comment l'afflux de pétrodollars a transformé la communauté traditionnelle de tribus nomades en une société urbaine de haute technologie. Ce revirement lui a laissé une impression profonde et indélébile.

Aujourd'hui encore, les bouleversement sociétaux sont au cœur de son travail artistique, entre autres leur rapport à des thèmes comme l'identité, la religion, la politique et l'histoire. Il considère ses œuvres comme des moyens de rendre ces questions tangibles. Il est actif dans différentes disciplines : peinture, dessin, sculpture, cinéma et même musique.

Un sommeil de 309 ans

Le mot clé de l'art de Shawky est « migration ». Non pas au sens strict d'individus qui quittent leur foyer en quête d'une vie meilleure, mais au sens le plus large possible, celui de la transition d'un état à un autre. Une telle migration s'exprime, par exemple, dans sa série de films The Cave, où on voit Shawky se balader dans un supermarché en récitant la sourate coranique des Compagnons de la Caverne. Des hommes échappent à un tyran en se cachant dans une caverne, s'y endorment et sommeillent pendant 309 ans. Cette œuvre de Shawky pose des questions sur la consommation et la religion, mais selon l'artiste elle parle aussi de la migration – car ces compagnons voyagent dans le temps pour se réveiller dans une société différente.

Nombre d'œuvres de Shawky s'inscrivent dans un projet plus vaste. Cabaret Crusades en est  un bon exemple. Le travail s'appuie sur trois films qui examinent les croisades sous un angle non-européen. Les personnages, qui parlent arabe, sont interprétés par des marionnettes. L'artiste crée ainsi une certaine distance par rapport aux événements, à l'oppose de l'intention de la plupart des films, c'est-à-dire faire entrer le spectateur dans le récit.

Mais le projet ne se limite pas à ces films. Pour le troisième épisode, visible au M, Shawky a fait fabriquer des marionnettes de verre par les célèbres verriers vénitiens de Murano. Elles figurent également dans l'exposition. Cabaret Crusades comprend même des objets qu'on ne voit pas dans les films, des bas-reliefs qui sont des copies minutieuses d'œuvres européennes sur les croisades dans lesquelles Shawky a introduit des monstres et des créatures mythiques.

Sec et humide

Le titre de l'exposition de Shawky au M, 'Dry Culture Wet Culture', est une autre référence à la migration. Dans l'évolution des sociétés, surtout dans le monde arabe, l'artiste perçoit un glissement constant d'une Dry Culture ou « culture sèche » – le mode de vie traditionnel de tribus nomades dans un environnement aride – vers une Wet Culture ou « culture humide » – une société sédentaire basée sur l'irrigation et l'agriculture. Mais pour lui, cette migration de la sécheresse à l'humidité est aussi le reflet de tous les grands bouleversements sociétaux, et donc de la migration au sens large.

Un récit

Dry Culture Wet Culture réunit des œuvres appartenant à trois projets : 'Cabaret Crusades', 'The Cave' et 'The Gulf Project Camp', inspiré de l'histoire arabe depuis le XVIIe siècle. Elles sont complétées d'Asphalt City, une création réalisée tout spécialement pour M. « La migration est le point commun des trois projets », commente Shawky. « Ce que j'apprécie dans cette expo, c'est qu'elle porte en elle une chronologie, une espèce de récit. Le défi consiste à proposer du neuf à chaque exposition, dans chaque ville, des nouveautés liées à mon expérience de cette ville. À Louvain j'ai eu l'occasion de visiter le musée au préalable et d'en explorer les espaces. Cela a un effet sur l'expo et la rend unique. La répéter à l'identique ailleurs ne sera jamais possible. »

Wael Shawky's 'Dry Culture Wet Culture', de 11.03 jusqu'au 28.08.2022.